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Exploration de la physique quantique : la quête d’innovation du professeur Ebrahim Karimi

Par Université d'Ottawa

Cabinet de la vice-rectrice à la recherche et à l'innovation, CVRRI

Professeur Ebrahim Karimi sur le toit du campus de l’Université d’Ottawa, avec vue sur la ville.
Professeur Ebrahim Karimi.
Tout jeune, Ebrahim Karimi a été fasciné par un arc-en-ciel : sa tête s’est remplie de questions auxquelles personne de son entourage n’avait les réponses. Le voici des décennies plus tard, prêt à entamer un nouveau chapitre dans sa carrière de chercheur, et cette première étincelle de curiosité est toujours à la source des expériences quantiques qu’il mène.

Après plus d’une dizaine d’années à multiplier les percées scientifiques à l’Université d’Ottawa, le professeur Karimi restera à la tête du groupe Structural Quantum Optics (SQO), mais collaborera à l’international.

Le moment invite à la réminiscence – de la curiosité et des moments d’émerveillement qui l’ont mené où il est – et à l’évocation de ce que l’avenir lui réserve. Or quand on lui demande où son travail aura laissé la plus grande marque, il hausse les épaules.

« On a travaillé sur des tas de choses en communication, en imagerie, en simulation... Le but n’a jamais été d’arriver les premiers, mais de trouver des solutions à de vrais problèmes et de créer des outils qui ouvrent des portes sur de nouvelles possibilités. »

À son dernier jour comme directeur de l’Institut NexQT, il a eu droit à un rappel de sa fascination d’enfance... Comme il le raconte sur X :

« Mon dernier jour au bureau d’Ottawa, j’ai pu voir un signe familier : un arc-en-ciel, le phénomène qui m’a inspiré à étudier l’optique. Projeté par un prisme juste là, sur une chaise, au sortir d’une réunion. Tout discret. Le parfait au revoir. »

Dans un message partagé sur son compte X, le professeur Karimi écrit : « Mon dernier jour au bureau d’Ottawa, j’ai pu voir un signe familier : un arc-en-ciel, le phénomène qui m’a inspiré à étudier l’optique. Projeté par un prisme juste là, sur une chaise, au sortir d’une réunion. Tout discret. Le parfait au revoir. »
Capture d'écran d'une publication partagée par le professeur Karimi sur son compte X en juillet 2025.

Faire rimer quantique et pratique

Il est évident, dès qu’on passe un peu de temps avec le professeur Karimi, qu’il adore tout autant la partie philosophique de la mécanique quantique que son caractère « contre-intuitif » et ses règles « déroutantes ». Mais l’homme reste bien déterminé à convertir l’abstrait en solutions tangibles.

« Croyez-le ou non, je ne suis pas allergique à la science appliquée, lance-t-il à la blague. Même qu’on tient fastidieusement la liste des technologies qui ont vu le jour dans notre labo, et la liste est loin d’être courte! »

Son équipe a conçu des systèmes qui tirent parti de certaines propriétés moins connues de la lumière, comme le fait que son mouvement tend à décrire une vrille (c’est le « moment cinétique orbital »), ou encore la manière dont ses vagues se synchronisent (ce qu’on appelle la « phase »). Ces caractéristiques peuvent sembler très abstraites, mais elles ont des applications bien réelles.

Son équipe s’en est servi pour créer des systèmes de messagerie quasi impossibles à pirater et des microscopes qui peuvent observer des structures biologiques des plus délicates, comme des cellules vivantes, sans les endommager.

Le groupe du professeur Karimi compte parmi les premiers à avoir transmis des signaux cryptés complexes hors d’un laboratoire – dans leur cas, par-dessus la rivière des Outaouais, entre les toits du centre-ville, et même dans l’eau. Ces démonstrations n’étaient pas que de la poudre aux yeux : il s’agissait d’essais sous contraintes réelles pour montrer que la communication quantique est réalisable dans des environnements même imprévisibles.

« Les communications traditionnelles sont sécuritaires... jusqu’au jour où quelqu’un arrive avec un ordinateur quantique. Mais si on met à profit les propriétés quantiques de la lumière, on peut envoyer des messages qu’aucun ordinateur, même le plus sophistiqué, ne peut craquer. »

Aujourd’hui, son laboratoire applique des principes analogues à l’imagerie pour tenter de photographier des cellules vivantes moyennant une quantité négligeable de lumière.

« Si, au lieu de millions de photons, on arrive à en utiliser moins d’un seul, cela ne fera pas que donner une image plus nette, explique-t-il. Ça peut être la différence entre la vie ou la mort des cellules observées. »

Une vision sur des décennies, pas de trimestre en trimestre

Le professeur Karimi rappelle toujours à qui veut l’entendre que ce genre de réalisations n’arrivent pas du jour au lendemain. Il est en paix avec cette réalité.

« Nous travaillons sur des choses qui n’arriveront peut-être en milieu clinique que dans 20 ans. Si les principes sont solides, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un s’empare de l’idée pour lui trouver des applications. »

L’histoire nous montre qu’en science, la patience rapporte. Le professeur Karimi nous rappelle que, dans les années 1960, le monde de la physique a exploré les cristaux liquides par pure curiosité. Cette recherche fondamentale allait devenir, dix ans après, la pierre d’assise de la technologie derrière les écrans de nos téléphones, ordinateurs et téléviseurs modernes.

Aujourd’hui, c’est la microscopie quantique que son laboratoire fait progresser, par l’entremise d’outils capables de scruter des matières délicates sans les endommager avec une lumière trop crue. Cette finesse pourrait révolutionner la façon dont les scientifiques étudient tout ce qui peut l’être, des fragiles cellules biologiques aux nouvelles nanotechnologies.

Le chercheur croit que les mêmes principes de science quantique pourraient transformer l’imagerie médicale. La question serait d’appliquer les techniques quantiques aux rayons X pour voir si l’on pourrait produire des images plus nettes en utilisant moins de radiation. Voilà une percée qui, si elle se concrétise, pourrait rendre l’imagerie médicale plus sûre et plus précise pour des millions de patientes et patients.

Pas de téléphones, pas d’ego, mais bienvenue aux questions!

Que ce soit au labo ou en classe, le professeur Karimi a une règle simple : le téléphone reste à la porte (à moins que l’on ait envie de prendre ses appels sur haut-parleur...!), et les titres aussi. Ce qu’il faut apporter, c’est sa curiosité. Et ses étudiantes et étudiants de premier cycle ne font pas qu’apprendre : on les voit prendre les devants.

« Regardez la liste des autrices et auteurs principaux pour la plupart de nos travaux, et vous allez trouver des gens du premier cycle, rapporte-t-il. Ça m’est égal si vous avez 16 ans, ou 35. Vous avez fait le travail? Vous avez pris part à la découverte. »

Ce respect pour la brillance de la jeunesse lui vient probablement de ses propres origines. Il a grandi en Iran, dans une famille où les livres étaient les biens les plus prisés, et a appris très tôt que poser la bonne question était souvent plus important que d’avoir la bonne réponse.

Le prochain chapitre (qui s’écrira encore au laboratoire)

Même si le professeur Karimi se défait de ses fonctions officielles à l’Université d’Ottawa pour aller explorer de nouveaux horizons, il ne rompt pas ses liens étroits avec le groupe SQO, qu’il a fondé.

Le domaine de l’optique quantique aura beau évoluer à toute vitesse, son approche reste efficace et terre à terre.

Le fond de sa pensée? « On ressent toujours la pression de suivre les effets de mode. Mais si on ne perd jamais de vue ses fondements et que l’on conserve sa curiosité, on finit par voir des avenues que les autres ne remarquent pas. »

La curiosité, la persévérance et le retour constant aux notions fondamentales : voilà les principes qui régissent depuis des années le travail du professeur Ebrahim Karimi. Et tout porte à croire que les découvertes les plus intéressantes sont encore à venir.