Cette école d’été novatrice, tenue à Séville, en Espagne, du 23 au 27 juin 2025, est le fruit d’une collaboration entre l’Université de Séville et le Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne (CREDP). L’objectif de ce cours est d’explorer le rôle des arts à la fois comme manifestation des droits de la personne et comme instrument de promotion des droits de la personne et de la justice sociale.
Le programme était dirigé par le comité académique composé du professeur John Packer (professeur agrégé de droit et ancien directeur du CREDP, 2014-2025), du professeur Ramón Blanco-Barrera (Faculté des beaux-arts, Université de Séville, et chercheur associé du CREDP), MarÃa del Mar GarcÃa Jiménez (professeure adjointe, Université de Séville) ainsi que de Viviana Fernandez (directrice associée du CREDP). Les membres du CREDP Oonagh Fitzgerald (chercheuse associée senior), Omid Milani (chercheur associé) et Van Armenian (membre étudiant) ont également apporté une contribution supplémentaire à titre d’instructeurs pendant le cours d'été.
Nous avons le plaisir de présenter une courte entrevue menée par Viviana Fernandez avec Ana Fox, étudiante de premier cycle aux ¹ó²¹³¦³Ü±ô³Ùé²õ des arts et de droit, ainsi que Van Armenian, doctorant en recherche interdisciplinaire en musique, afin de partager leur expérience à l’école d’été sur les arts et les droits de la personne.
Tout d’abord, Ana, en tant que participante, comment as-tu trouvé le programme dans son ensemble? À combien d’activités as-tu pu prendre part?
Ana : J’ai trouvé le programme vraiment bien équilibré, notamment en termes de structure et d’échanges. Au lieu de limiter les participants à une écoute passive, il a créé un espace de dialogue entre nous et avec les conférenciers invités. Cela a encouragé la réflexion et le questionnement critique tout au long de nos conversations.
Ce qui m’a également marquée, c’est que les activités ne se limitaient pas aux salles de présentation. Les différentes sorties et événements nous invitaient à découvrir Séville de manière plus directe, et j’ai participé à tous ces événements. Je trouve que le programme favorisait une connexion authentique. Avec le recul, ce sont les relations et l’atmosphère de soutien qui me laissent les souvenirs les plus chaleureux de cette expérience.
Van, tu as été à la fois instructeur et participant au programme de micro-certifications de Séville. Pourrais-tu commencer par expliquer ce que signifie « »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô (degenociding) » dans tes travaux, et la manière dont tu l’as introduit auprès des participants pendant la semaine?
Van : En résumé, le concept de « »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô () » que j’ai développé vise à décrire le processus actif de « déconstruire » un génocide culturel. Par exemple, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Canada, cela implique de créer des espaces dirigés par des Autochtones où les Canadiens peuvent découvrir les visions du monde et les expressions artistiques autochtones. Il s’agit de prendre la responsabilité de réparer une partie des torts causés par le colonialisme, et de transmettre à nos enfants une identité canadienne meilleure et plus digne. La dignité humaine est bien sûr un aspect fondamental des cadres relatifs aux droits humains.
Comment les autres experts, conférenciers invités et étudiants ont-ils réagi à tes idées sur la »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô? As-tu senti que le concept résonnait particulièrement avec le groupe à certains moments?
Van : La réaction a été vraiment stimulante et encourageante. Ce que j’ai trouvé le plus intéressant, c’est la possibilité de discuter du colonialisme avec des personnes venant de différentes régions du monde — notamment du Sahara occidental, du Pérou, d’Espagne et du Canada — et de constater que les défis auxquels sont confrontés les peuples colonisés sont remarquablement similaires, souvent même interchangeables.
Ma collègue, la compositrice catalane Montserrat Torras, a approfondi la question de la psyché espagnole lorsqu'il s'agissait d'affronter – ou d'éviter – l'héritage de la colonisation. On y constate une fierté apparente dans les réalisations de la conquête impériale, qui nous a semblé (à Montserrat et à moi) être une dissonance puissante dans les politiques identitaires espagnoles, qu’il faut aborder. Il y a manifestement beaucoup à faire en Espagne pour reconnaître d'abord l'ampleur des destructions causées par la conquête impériale dans le monde et pour accepter son passé, un travail très semblable à celui que nous devons entreprendre au Canada.
Comment vois-tu évoluer le concept de »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô dans les milieux universitaires, la pratique communautaire ou artistique?
Van : Mon espoir est que la »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô apportera une contribution utile aux efforts de décolonisation en invitant les non-Autochtones à se comporter en invités dignes sur les terres autochtones. Pour que la »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô fonctionne, un changement systémique est nécessaire. J’espère que la philosophie qui la soutient pourra contribuer à éclairer tant les politiques que l’éducation au Canada, pour commencer.
Ana : Van, j'ai été particulièrement intéressée par ta suggestion de mettre en Å“uvre la »å鲵é²Ô´Ç³¦¾±»å²¹³Ù¾±´Ç²Ô au Canada à travers la musique. Ton expérience en tant que violoniste professionnel semblait bien correspondre à cette idée.
Van : Oui, en tant que musicien, je comprends le pouvoir de la musique. D'après mes recherches, il semble que le fait de consacrer un espace indépendant à la musique autochtone dans l'enseignement primaire et secondaire pourrait vraiment changer pour le mieux la façon dont les Canadiens perçoivent les terres sur lesquelles ils vivent!
Notre programme offrait un environnement idéal pour explorer ces possibilités et découvrir comment les arts peuvent croiser les droits humains. Grâce aux connaissances incarnées qu'ils transmettent, les arts non seulement amplifient les récits sur les droits humains, mais ils motivent également les gens à agir.
Revenons à toi, Ana. Qu’est-ce qui t’a incitée à participer à ce programme et qu’espérais-tu en retirer?
Ana : En tant qu’artiste, je m’intéresse toujours à la manière dont la créativité peut être plus qu’une simple expression, mais devenir un outil de visibilité, d’innovation et de changement. Ma propre pratique en beaux-arts et mes projets explorent déjà ces thèmes, en mettant l’accent sur les droits humains. Je me suis donc sentie naturellement attirée par ce programme et j’étais très enthousiaste à l'idée d'y participer.
C’était aussi l’occasion de rencontrer d’autres artistes et chercheurs de divers horizons, qui proposaient des perspectives intéressantes sur le lien entre l’art, les droits humains et la justice sociale. J’espérais retirer de cette expérience la possibilité d’explorer comment l’art peut s’engager activement dans ces enjeux, tant dans la pratique que dans le dialogue.
Pourrais-tu nous donner un exemple d’une visite ou d’une discussion qui t’as permis d’approfondir ta compréhension du contenu du cours?
Ana : Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une seule visite ou discussion. C’est toute la semaine m’a permis de comprendre à quel point les arts, les droits humains et la justice sociale sont liés, à travers nos discussions lors des sorties, les présentations des conférenciers et les visites de musées. C’est la combinaison de toutes ces expériences qui m’a vraiment permis de comprendre les concepts abordés dans le cours.
Van, qu’est-ce qui t’a le plus marqué à Séville dans le cadre de ton travail? Ce lieu était-il approprié pour ce type de programme?
Van : C’était presque surréaliste de discuter de colonialisme à quelques pas de l’endroit où Colomb s’était préparé à mettre les voiles vers les « Amériques » — ou, plus précisément, où l’idée de trouver une nouvelle route vers l’Inde a été vendue à la couronne espagnole, et où l’ordre avait ensuite été donné de revendiquer toutes les terres « vides » au nom du roi.
Séville est aussi une ville très artistique qui abrite de magnifiques exemples des plus belles créations de la région. Il était toutefois étrange de voir ces cathédrales gigantesques et ces jardins somptueux, aussi beaux et impressionnants soient-ils, sachant qu'ils ont été rendus possibles grâce à l'asservissement et à l'esclavage.
Sur une note plus positive, Séville est aussi le lieu de naissance de Bartolomé de las Casas, un contemporain important de Christophe Colomb qui a défendu les droits des Peuples Autochtones. En fait, beaucoup de chercheurs le considèrent comme un pionnier de la pensée des droits humains internationaux. En ce sens, Séville est non seulement un lieu approprié pour le cours, mais peut-être le meilleur endroit possible pour réfléchir à la manière de commencer à réparer les dommages qui, à bien des égards, ont commencé là -bas.
Ana, nous aimerions te poser la même question!
Ana : Ce qui m’a le plus marquée à Séville, c’est la culture, ainsi que la solidarité et les liens étroits qui unissent ses habitants. L'un de mes meilleurs souvenirs est lié à l'une des activités nocturnes recommandées par le programme, vers la fin du séjour. Ramon, l'organisateur principal et professeur à l'université de Séville, nous a emmenés dans un endroit incroyable, presque caché, où se réunissent les artistes locaux.
Ce qui rendait cet endroit si remarquable, c'était son authenticité : il n'était ni lissé ni mis en scène, il semblait réel, brut et vivant. Il s'inscrivait véritablement dans l'ambiance créative de la ville, avec de la musique, de l'art local, des événements et un fort sentiment d'appartenance. Cette expérience unique m'a profondément inspirée, car ce type de lien culturel est rare. Je souhaite intégrer cette expérience dans mon propre travail : créer des espaces qui favorisent l’identité et la communauté plutôt que l’isolement.
Si tu discutais avec d’autres étudiants qui envisagent de suivre ce programme, que leur dirais-tu pour les convaincre de s’y inscrire? Comment s’est passé ta semaine à Séville?
Ana : Je leur dirais : « N'hésitez pas une seconde! » Ce programme est vivement recommandé et vaut vraiment la peine d'être suivi. J'ai tout aimé, des cours à la nourriture, en passant par la culture, les événements, l'art, et même les logements accessibles à pied fournis par le programme. Tout cela a contribué à rendre cette expérience très enrichissante.
Vivre à Séville pendant une semaine, c’était être immergée non seulement dans un cours, mais dans une véritable façon de vivre et de concevoir la culture. Le programme était très équilibré : il abordait l'histoire, la culture, les arts, le présent et la manière de les transmettre à l'avenir. Il nous a permis d'appliquer ce que nous avons appris à notre travail. C’est le genre d’expérience que les étudiants ne pourraient jamais acquérir dans une salle de classe typique ou en ligne.
Van, de ton point de vue, as-tu quelque chose à ajouter?
Van : Comme nous en avons discuté à Séville tout au long de la semaine, les droits humains sont aujourd'hui en crise. Il n'y a plus aucune garantie, en particulier pour les plus vulnérables. Ce programme novateur, développé par le CREDP et l'université de Séville, place les arts au premier plan en tant que mécanisme puissant pour faire progresser les droits de la personne.
Grâce à ce cours, les étudiants et les experts ont découvert des moyens concrets d'y parvenir. Comme Ana l'a si bien exprimé, les arts relient les personnes issues de communautés diverses en révélant les points communs qui nous unissent, une connexion dont nous avons tant besoin aujourd'hui. Les arts contribuent à « réhumaniser » ceux qui ont été déshumanisés.
Comme nous l'a rappelé John Packer, qui a justement terminé son mandat de directeur du CREDP la semaine où nous étions à Séville, les arts peuvent jouer un rôle important dans l'épanouissement humain, qui est un autre droit fondamental.

« En tant qu’artiste, je m’intéresse toujours à la manière dont la créativité peut être plus qu’une simple expression, mais devenir un outil de visibilité, d’innovation et de changement. »
Ana Fox

« Ce programme novateur, développé par le CREDP et l'université de Séville, place les arts au premier plan en tant que mécanisme puissant pour faire progresser les droits de la personne. »
Van Armenian