Dans le cadre de son nouveau plan stratégique transformateur en matière de pédagogie, la Faculté de médecine à l’Université d’Ottawa forme une relève axée sur les solutions et sensible aux aspects sociaux.
Par exemple, le programme renouvelé de la Faculté intègre une évaluation de type concours dans laquelle les étudiantes et étudiants se mettent dans la peau de diverses parties prenantes du système de santé pour un débat improvisé sur les défis complexes de la médecine d’aujourd’hui.
Cet exercice les aide à améliorer leur capacité à considérer une question sous différents angles et à comprendre les points de vue des autres parties intéressées. Ensemble, les participantes et participants cherchent des solutions mutuellement satisfaisantes pour fournir des soins de santé complets et collaborent pour y parvenir.
Cette compétence leur sera essentielle au moment d’exercer leur profession – et de la faire évoluer au rythme de la réalité du milieu médical.
Les écoles de médecine, des incubateurs de solutions
Le manque d’accès aux soins de santé primaires est l’un des principaux problèmes au Canada. Il est donc logique que les écoles de médecine soient aux premières lignes de la recherche de solutions et munissent la relève des outils nécessaires pour répondre aux besoins critiques en soins communautaires accessibles.
La Dre Dominique Elien Massenat, qui élabore du contenu lié aux déterminants sociaux de la santé et à la santé publique pour le programme d’études médicales de premier cycle (EMPC), affirme que la Faculté de médecine joue un rôle important dans cette démarche.
« Notre Faculté a adopté une vision stratégique réfléchie pour le renouvellement de son programme, dit-elle. Grâce à l’innovation de nos contenus et de nos méthodes d’enseignement, notre communauté diplômée a toutes les cartes en main pour relever les défis modernes en matière de soins de santé. »

« Grâce à l’innovation de nos contenus et de nos méthodes d’enseignement, notre communauté diplômée a toutes les cartes en main pour relever les défis modernes en matière de soins de santé. »
Dre Dominique Elien Massenat
— Conceptrice de contenu des études en médecine
La responsabilité sociale au cœur de la médecine
Les programmes de formation médicale évoluent bien au-delà des sciences fondamentales et cliniques et sont davantage axés sur les moyens de renforcer l’efficacité du système de soins de santé.
« Il y a un mouvement qui vise à intégrer davantage la dimension sociale dans les programmes cliniques », poursuit la Dre Elien Massenat, qui travaille à la création de contenus pour le pilier SIM (Médecine et société) du volet anglais des EMPC. « Il s’agit de la matière qui n’est pas liée à l’anatomie : l’itinérance, la traite de personnes, l’évaluation de la santé des populations, et une multitude d’autres sujets touchant aux aspects sociétaux. »
L’intégration de ces concepts dans la prestation de soins, qui fait partie du mandat de responsabilité sociale de la Faculté, est une pièce maîtresse du puzzle des soins de santé primaires.
« Pour nous, la responsabilité sociale fait partie intégrante de l’enseignement clinique, ce n’est pas une dimension séparée », explique la Dre Elien Massenat.
« Il est crucial que les médecins de demain voient les patientes et les patients comme des personnes vivant dans un contexte social qui influe sur leur santé, et non pas comme de simples cas cliniques à diagnostiquer, enchaîne-t-elle. Ces renseignements peuvent influencer le diagnostic et les décisions cliniques dans l’intérêt de la personne pour améliorer son état de santé. »
De la théorie à la pratique
La Dre Elien Massenat et ses collègues, la Dre Laura Muldoon, directrice du pilier médecine et société des EMPC, et la Dre Sophie De Roock, responsable du contenu SIM du volet français du programme de médecine, ont créé le concours de « problème épineux ».
Dans ce concours lancé en janvier dernier dans le cadre de l’Unité III du pilier SIM du programme de médecine, les étudiantes et étudiants doivent appliquer leurs nouvelles connaissances dans une présentation vidéo en direct et improvisée en tentant de résoudre un problème médical complexe – un « problème épineux ».
« L’apprentissage est un processus actif », explique la Dre Muldoon, ajoutant qu’il est crucial d’innover dans les programmes et les méthodes pédagogiques pour stimuler la dimension intellectuelle.
« La nouvelle formule d’évaluation aide les étudiantes et étudiants à intégrer les concepts liés au pilier SIM, qui sont très importants à cette étape de leur formation, et à les appliquer à des problèmes réels en matière de soins de santé », dit-elle.

« L’apprentissage est un processus actif. La nouvelle formule d’évaluation aide à appliquer les concepts liés au pilier SIM à des problèmes réels en matière de soins de santé. »
Dre Laura Muldoon
— Directrice du pilier médecine et société des EMPC
Les étudiantes et étudiants doivent réfléchir rapidement en tenant compte de l’ensemble du système de santé et de l’apport d’autres disciplines médicales, et apprendre à travailler au sein d’une équipe interdisciplinaire. Les évaluations portent sur leurs connaissances relatives aux populations vulnérables, à leur responsabilité en tant que médecins et au mode de vie de leurs patientes et patients.
Leur capacité de synthétiser et d’appliquer leurs acquis au pied levé est également évaluée par une équipe formée de personnes invitées pour leur expérience et leur expertise en matière d’enseignement de la médecine au premier cycle ou de soins de santé primaires.
« Cette méthode de participation active leur inculque l’esprit critique et forme de futurs médecins axés sur les solutions », commente la Dre De Roock.
La présentation en groupe se fonde sur un scénario réel – au printemps, il s’agissait d’un débat lors d’un congrès médical. Les étudiantes et étudiants jouent différents rôles : promotrices et promoteurs de la santé, collaboratrices et collaborateurs, dirigeantes et dirigeants, chercheuses et chercheurs et autres membres de la profession.
« En explorant toute la gamme des points de vue, les participantes et participants apprennent à communiquer clairement au public, à leurs patientes et patients et à d’autres actrices et acteurs du domaine médical au sujet d’un problème et des solutions possibles, et à en débattre, explique la Dre De Roock. Les étudiantes et étudiants sont encouragés à puiser dans leurs connaissances pour réfléchir à leurs pratiques avec leurs patientes et patients futurs dans le système de santé actuel, tout en soulignant l’importance de l’équité en santé et de la responsabilité sociale. »
Elle explique que les étudiantes et étudiants n’ont pas toujours l’occasion de le faire en étudiant une cellule ou une maladie.
« Les médecins de demain présenteront et défendront leurs valeurs et leurs contributions, par exemple lors d’un congrès ou dans un panel », dit-elle.
Autre avantage, le raisonnement spontané permet d’évaluer la capacité à appliquer les notions apprises mieux que par une simple dissertation.
Une meilleure continuité des soins
Cette année, pour le concours de problème épineux, les étudiantes et étudiants doivent en plus intégrer les soins axés sur les patientes et patients.
La relation à long terme entre le médecin et ses patientes et patients est un principe essentiel de la médecine familiale.
« Il importe de connaître la personne dans sa globalité, son contexte culturel, sa situation financière et son milieu social, pour comprendre les facteurs qui sous-tendent son état de santé », affirme la Dre Elien Massenat.
« La continuité améliore les soins, poursuit-elle. Lors des consultations occasionnelles dans les cliniques sans rendez-vous, la patiente ou le patient n’a peut-être pas de relation avec la ou le prestataire de soins, les renseignements se perdent entre médecins et des erreurs peuvent survenir, de sorte que la personne n’a pas le sentiment d’être suivie. »
L’éducation transformationnelle
L’an prochain, l’équipe espère introduire une véritable présentation devant un panel de spécialistes, afin d’initier les étudiantes et étudiantes aux séances de rétroaction, de renforcer leurs compétences en communication et d’améliorer leur capacité à défendre leurs idées.
À la Faculté, l’approche de l’éducation transformationnelle dépasse la simple acquisition de connaissances. Elle propose une autre façon de penser et de voir le monde, et inspire le développement personnel, la réflexion critique et un sens plus profond de la réalisation de soi et de la responsabilité.
« Notre nouvelle approche du programme de médecine développe la réflexion sur les systèmes, c’est-à -dire la compréhension des interactions entre les éléments d’un système qui influent sur les résultats et du rôle des médecins de premier recours », souligne la Dre Elien Massenat.
« Nos apprenantes et apprenants sont outillés pour devenir des actrices et acteurs du changement dans leur vie, leur profession et leur communauté. »
Les projets gagnants cette année
L’édition 2025 du concours de problème épineux a couronné deux équipes gagnantes, l’une dans le volet français et l’autre dans le volet anglais du programme de médecine.
Volet francophone :
Réinventer la médecine familiale – Trouver un équilibre entre continuité des soins et accessibilité pour remédier aux inégalités en santé
Membres de l’équipe : Marguerite Beaudoin, Marie-Pier Dupuis, Heddy Hermes, Marie-Sophie Huard, Sarah Lapolice et Wardat Sehabi
¸éé²õ³Ü³¾Ã©&²Ô²ú²õ±è;: Face à l’allongement des listes d’attente et à la pression croissante sur les cliniques médicales, Réinventer la médecine familiale propose une réponse claire : moderniser notre modèle de soins primaires sans renier les principes fondamentaux de la médecine familiale. Plutôt que de revenir à des soins épisodiques, ce projet mise sur trois stratégies concrètes : renforcer le travail en équipes interprofessionnelles, intégrer l’intelligence artificielle pour alléger la charge administrative et adapter les soins aux réalités locales. C’est en plaçant la continuité, la qualité et la relation humaine au cÅ“ur des soins que nous pourrons réellement répondre aux inégalités en santé.
Volet anglophone :
Preserving Principles or Meeting Demand? Rethinking Family Medicine Amid Canada’s Primary Care Crisis. (Préserver les principes ou répondre à la demande? Repenser la médecine familiale dans la crise des soins de santé primaires au Canada)
Membres de l’équipe : Jessica Brown, Riley Cousins, Theo Liu, Hala Mahdi, Ervis Musa et Aleeza Qayyum
¸éé²õ³Ü³¾Ã©&²Ô²ú²õ±è;: Alors que des millions de personnes n’ont pas de médecin de famille, le système de santé canadien est contraint de passer à un modèle de soins épisodiques sans rendez-vous contraire aux principes essentiels de la médecine familiale : la continuité, l’exhaustivité et la relation à long terme. Nous plaidons pour la préservation des valeurs fondamentales de la médecine familiale par deux interventions clés : 1) affecter une ou un médecin de famille à chaque patiente et patient dans sa région pour garantir un accès universel aux soins et réduire les inégalités; et 2) étendre aux écoles de médecine les programmes de médecine familiale à entrée directe assortie d’un engagement à exercer la profession dans la région où la formation a été reçue.