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Franchir les frontières : des solutions artistiques et scientifiques aux problèmes climatiques

Par Gazette

Bureau des communications et des affaires publiques, µç³µÎÞÂë

Valérie Chartrand et Heather Kharouba devant l'exposition « Flutterings ».
Valérie Chartrand (à gauche) et Heather Kharouba (à droite) devant l’exposition Papillonnements.
Du moment que Valérie Chartrand a transformé un laboratoire de biologie de l’Université d’Ottawa en atelier d’art, la recherche a pris une tournure inattendue.

En collaboration avec la biologiste Heather Kharouba et son groupe d’étudiantes et d’étudiants, Valérie Chartrand a utilisé des matériaux soigneusement sélectionnés pour révéler les effets de la hausse des températures sur les fleurs essentielles à la survie du monarque. Son exposition, , a ouvert la voie à de futures collaborations et soulevé de nouveaux questionnements scientifiques : les changements climatiques pourraient-ils modifier non seulement la qualité du nectar, mais aussi les caractéristiques visuelles des fleurs dont dépendent les pollinisateurs?

Ce qui était au départ une simple résidence d’artiste dans le laboratoire de la professeure Kharouba a vite pris de tout autres proportions. Heather Karouba et Chantal Rodier, professeure spécialisée en conception multidisciplinaire à la Faculté de génie et adepte de longue date de l’enseignement interdisciplinaire, ont alors contribué à jeter les bases d’un mouvement qui conjugue l’art, la science et l’ingénierie pour stimuler le brassage d’idées, inspirer les étudiantes et étudiants et concevoir des solutions climatiques ayant des applications réelles. C’est avec enthousiasme que l’artiste multidisciplinaire Annette Hegel s’est ensuite jointe à cette aventure en faveur de l’action climatique, du génie et de la science.

Des pratiques créatives qui transforment la recherche scientifique

Le laboratoire que dirige la professeure Kharouba se consacre aux effets des changements climatiques sur les interactions fragiles entre les plantes et les insectes. Cependant, parce que la vision artistique de Valérie Chartrand s’y est imprimée dès le début, les travaux qui y sont menés ont généré de nouvelles données. Plus important encore, cette vision a changé les méthodes de collecte des données ainsi que les questions auxquelles ces dernières pourraient répondre.

Dans le cadre de cette collaboration, les photographies en ultraviolet de l’artiste ont révélé des motifs floraux invisibles à l’œil nu, mais cruciaux pour les pollinisateurs, ce qui a amené Mme Chartrand, la professeure Kharouba et son groupe à se demander : comment ces marqueurs visuels réagissent-ils aux changements climatiques? Et si le réchauffement modifie non seulement la période de floraison, mais aussi l’aspect de la fleur telle qu’elle apparaît aux monarques, qu’est-ce que cela laisse présager pour la survie de l’espèce?

Les œuvres produites dans le cadre de l’exposition Papillonnements n’illustrent pas un savoir existant; elles bousculent et invitent à pousser la recherche dans de nouvelles directions. L’équipe s’est donc retrouvée à étudier les changements climatiques sous l’angle des données et des modèles, mais aussi selon des perspectives modifiées de vision et de perception.

Pour la professeure Kharouba, ces recherches revêtent une nouvelle dimension. « L’une des choses qui m’emballent le plus dans cette collaboration, c’est ce qu’elle enseigne à mon groupe, affirme-t-elle. Elle lui montre que les questions que nous posons et les expériences que nous concevons changent en présence d’une personne issue d’une discipline entièrement différente. »

Heather Kharouba

« Chartrand montre que les questions que nous posons et les expériences que nous concevons changent en présence d’une personne issue d’une discipline entièrement différente. Â»

Heather Kharouba

— Professeure, Faculté des sciences

Les collaborations comme celle-ci, qui intègrent la pratique artistique dès leur début, transforment la recherche : plus qu’une expérimentation strictement balisée, celle-ci devient alors un voyage d’exploration commun. 

De la théorie à la mise au point de solutions réelles

Depuis des années, Chantal Rodier, professeure et artiste en résidence à la Faculté de génie, met en pratique le principe de collaboration multidisciplinaire dans sa classe. Cette coordonnatrice de projets de STIAM donne un cours de conception multidisciplinaire dans le cadre duquel des étudiantes et étudiants en génie et en arts visuels mettent en commun leurs énergies pour s’attaquer à des enjeux réels. En 2024, Heather Kharouba et son groupe ont été invités à s’y joindre pour ajouter une perspective scientifique au processus créatif de recherche de solutions.  

Les résultats sont impressionnants : les équipes se sont attaquées aux problèmes touchant les écosystèmes urbains que leur ont présentés les partenaires de la Ville d’Ottawa et ont proposé des solutions alliant créativité, finesse technique et démarche scientifique. Par exemple, les équipes ont démontré que les écosystèmes des îlots végétalisés flottants du lac Dow contribuent à en purifier l’eau. La Ville et la Commission de la capitale nationale se penchent actuellement sur cette solution, qui pourrait les aider à atteindre leur objectif de rendre l’eau du canal propre à la baignade.  

De son côté, le Bureau du développement durable de l’Université étudie un autre projet consistant à planter des mini-forêts en zone urbaine pour en exploiter les avantages pour la santé et l’environnement. 

Présentation d'un projet de mini-forêt lors du symposium franchir les frontières 2025.
Présentation étudiante autour du thème « Micro Cities, Macro Problems », le projet de navigation verte de l’IA du Laboratoire CRAiEDL, à l’occasion du Symposium franchir les frontières 2025. Les projets de mini-forêts et d’îlots végétalisés sont présentés

Ces expériences en classe laissent entrevoir de nouvelles possibilités : et si ce modèle qui défie les frontières disciplinaires transcendait aussi le simple exercice en classe? Fortes de leurs collaborations, Rodier et Kharouba ont décidé d'organiser un symposium réunissant l’art, la science et le génie. Aidées de l’artiste Annette Hegel, elles ont commencé à le planifier à l’automne 2024.

De la connaissance à la prise d’action : un appel à un changement structurel

Parallèlement à cette initiative d’enseignement, la planification du allait bon train. Plus de 50 scientifiques, ingénieures, ingénieurs, artistes et responsables des politiques ont ainsi pu se réunir pour relater les réussites de projets multidisciplinaires en action climatique et réinventer les moyens de mobilisation entre les disciplines pour s’attaquer aux problèmes liés au climat et aux milieux urbains.

Une session du symposium franchir les frontières de 2025.
La conférence du professeur Jakub Zdebik, intitulée « Ecocritical Perspectives on the Climate Crisis », à l’occasion du Symposium franchir les frontières 2025. | Photo : G.M. Crevier, 2025

Contrairement aux autres événements du genre, le Symposium franchir les frontières 2025 était conçu de façon à ce que les participantes et participants puissent assister à toutes les séances afin d’encourager le dialogue véritable et l’échange d’information. Plus qu’une tribune, il est devenu un catalyseur, les personnes présentes s’étant engagées à tisser un réseau national pour intensifier la collaboration multidisciplinaire. Le sentiment d’urgence et l’enthousiasme étaient palpables, et l’assistance est repartie inspirée et déterminée à alimenter cet élan. La salle résonnait de discussions entre scientifiques et artistes.

L’assistance a beau avoir été inspirée, les défis demeurent : ces collaborations fonctionnent, mais elles dépendent trop fortement de l’effort individuel et d’un financement spécial. Le milieu de la recherche et le système de financement ne sont pas encore conçus pour appuyer le travail multidisciplinaire.  

Cependant, le déploiement d’un réseau national peut aider à changer la situation et à tracer un avenir où les résidences artistiques dans les laboratoires scientifiques sont chose courante, où les cours interdisciplinaires foisonnent et où le financement est facile d’accès. Après tout, pour que les solutions climatiques fassent leur chemin, les nouvelles méthodes d’exploration du savoir ont besoin d’un soutien structurel.

Les universités ont la responsabilité de mener ce genre de recherche et de réunir les spécialistes en vue de résoudre ces problèmes contemporains complexes. « S’attaquer aux problèmes complexes, ça demande non seulement une participation multidisciplinaire – que les disciplines travaillent dans le même sens –, mais aussi une collaboration interdisciplinaire – c’est-à-dire que les connaissances soient le fruit d’un travail commun qui transcende les disciplines et les frontières épistémologiques grâce à la participation tangible d’esprits créatifs et d’acteurs non universitaires », explique Chantal Rodier.  

Chantal Rodier

« S’attaquer aux problèmes complexes, ça demande non seulement une participation multidisciplinaire, mais aussi une collaboration interdisciplinaire. Â»

Chantal Rodier

— Coordonnatrice projets STIAM et artiste en résidence, Faculté de génie

De l’imagerie en ultraviolet des motifs floraux invisibles aux îlots végétalisés flottants parsemant les cours d’eau d’Ottawa, ces projets montrent que l’union des arts, de l’ingénierie et de la science ne fait pas qu’apporter des réponses, elle en change la nature.